Ce texte a été initialement publié dans le Journal La Sentinelle le 30 mars 2023
Chibougamau, 3 octobre 1976. Le journal La Sentinelle titre une triste nouvelle en page 5 : « Celui que l’on surnommait le meilleur prospecteur – Jos Chibougamau est décédé ». Cet article du journal, était un des rares textes à nous éclairer sur la vie du célèbre prospecteur. Aujourd’hui, c’est avec peu de certitude que je vous invite à revenir sur la vie d’un chibougamois aussi mystérieux qu’emblématique… Et à en recoller les morceaux.
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Joseph Mannzotti (ou Mannzoti) serait né vers 1923, à Sault-Sainte-Marie, en Ontario. Fils d’immigrants autrichiens, sa jeunesse vécue dans le Canada des années 1930-1940 aurait été semblable à celle de nombreux enfants d’immigrants : il aurait parcouru le pays à la recherche de travail. Son premier emploi aurait été sur un navire marchand, avant de découvrir le monde minier dans l’Ouest canadien. « L’Ouest ». Voilà qui est bien vague. Le reste l’est tout autant.
Il se serait retrouvé dans la région du lac Chibougamau en 1945, comme prospecteur. À l’époque, le campement de Chibougamau ne fait que renaître. Si au cours des années 1930 près d’un millier de personnes y gravite, le camp s’était vidé avec le déclenchement de la Deuxième Guerre Mondiale (1939-1945). L’après-guerre, marqués par une des activités industrielles et des besoins en métaux pour la reconstruction de l’Europe, relance l’industrie minière. Le camp Chibougamau reprend vie peu à peu, mais demeure encore quelques années, une sorte de far West, où on vit dans des cabanes en rondins et on porte le revolver à la ceinture.
Jos Mannzotti fera sa vie à Chibougamau. Il y œuvre en tant que prospecteur de talent, mais y réalise aussi des contrats de jalonnage et de chaînage pour les compagnies minières. Il y fait la rencontre et devient un proche de l'auteur Larry Wilson, lors de son séjour à Chibougamau et devient un habitué de son Rainbow lodge.
Quant’à l’origine de son surnom, les sources divergent. Il l’aurait gagné des employés d’une base d’aviation d’Air Fecteau en Abitibi, qui lui aurait acollé ce surnom… parce que sans route d’accès, Chibougamau, c’était bien le bout du monde à l’époque.
Jos Chibougamau rencontre l’amour à Montréal. En 1955, il y épouse Hélène Lavoie, artiste de cabaret dans la métropole. Le couple s'installe dans une petite maison entourée d’épinettes dans la ville moderne qui vient de naître. Le couple y vivra jusqu’à la mort prématurée de Joseph, emporté à 57 ans par une vie d'excès.
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Le reste de la vie de Joseph Mannzotti est à la fois magnifiée et pleine de contradictions. Les témoignages des anciens le transforment en personnage de fiction. On le dit tantôt justicier, tantôt bagarreur imposant un règne de terreur à tous ceux qui n'étaient sont pas dans ses bonnes grâces. On le dit homme fort, bon vivant. On raconte tantôt qu’il « faisait sa loi » ou qu’il la faisait respecter, mais aussi contrebandier à ses heures. On dit qu’il était l’homme qui accueillait les visiteurs au camp minier et le héros qui portait secours aux naufragés de la forêt. Jos Chibougamau aura beau avoir vécu il n’y a pas si longtemps, son mythe écrase le réel.
Quant’à Hélène Lavoie, son parcours est similaire à celui de nombreuse femme de l’époque : il s’efface derrière celui de son époux. Que savons-nous réellement de sa carrière à Montréal ? Qu’est-elle devenue, une fois veuve ? À quoi ressemblait son quotidien chibougamois ? Le couple étant sans enfant, elle aura quitté la région pour s’évanouir des mémoires.
Que reste-t-il finalement de Jos et d’Hélène ? Une rue, 2 lacs, une mine Joe-Mann. Des mocassins de feutre et quelques outils de prospections conservés dans la réserve de la Société d’histoire. Et toujours un certain mystère.
Nous vous lançons l'invitation. Si vous avez personnellement connu Joseph Mannzotti ou Hélène Lavoie, aidez-nous à reconstituer les morceaux de leur parcours. Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. vos anecdotes, ou les informations que vous détenez. Ensembles, nous réussirons peut-être à recoller certains morceaux de leur histoire.
Par Marie-Claude Duchesne
Pour aller plus loin :
Photos :
Georges ?, Wally McQuade, Ray Wilkie, Hélène Lavoie, Joe (Mann) Chibougamau à l'Hôtel Waconichi vers 1954. SHBJ | P5,S2,SS4,D8,P12
Hélène Lavoie, vers 1955. SHBJ | P5,S2,SS4,D8,P29
Les prospecteurs Jos Chibougamau et Toussaint Céré, vers 1955. SHBJ | P24,S1,D2,P11
Jos Chibougamau vers 1949. SHBJ | P24,S1,D4,P5
Hélène Lavoie, vers 1960. SHBJ | P5,S2,SS4,D8,P30
Jos Chibougamau, 1957. SHBJ | P5,S2,SS4,D8,P32
Mocassins du prospecteur Joseph Mannzotti. SHBJ-0000.115-1.2
Pilon et mortier à minerai du prospecteur Joseph Mannzotti. SHBJ-0000.171